Categories
Actualité

Une quinzaine de sursis

La pétition pour le report des concours d’enseignants-chercheurs a été clôturée le 24 mars avec 1 762 signatures. Hasard ou coïncidence, le même jour, le ministère a précisément annoncé le recul de deux semaines du dépôt des candidatures aux postes de maître de conférence et professeur des universités (même si 40 000 candidatures ont déjà été enregistrées). La nouvelle date fatidique est donc le jeudi 9 avril 2020, 16 h, heure de Paris. Et les auditions ? Comme annoncé dans TheMetaNews récemment, le ministère planche sur la possibilité de les réaliser par visioconférence. En tous cas, ce sera avant le 25 juin, date à laquelle seront rendues officielles les décisions des établissements.

Categories
Actualité

Ils traversent la crise de la quarantaine

Pour les doctorants et postdocs, qui doivent obtenir des résultats et achever leurs projets en un temps limité, la fermeture des labos ressemble à un compte à rebours.

Il y a ceux pour qui le confinement est presque une aubaine… et les autres !
Raphaël, en troisième année de thèse en physique expérimentale, fait partie de la première catégorie. Il venait de commencer la rédaction de sa thèse lorsque le “lockdown” a été décrété : « Ca tombe plutôt bien, je peux m’y consacrer complètement. Et puis ça m’évite de devoir retourner aider en salle de manip. » Cependant, même pour les doctorants peu impactés par la fermeture des labos, le travail à distance n’est pas forcément aisé : « La communication avec les encadrants de thèse est beaucoup moins fluide qu’en face à face », déplore Léa, doctorante en sciences de gestion.

Seuls et sans contrat
Pour d’autres, la situation est beaucoup plus critique, comme l’explique Sylvie Pommier, directrice du collège doctoral de l’université Paris-Saclay : « La priorité est actuellement aux doctorants qui ne peuvent pas soutenir et qui de toutes façons ne trouveront pas un emploi maintenant. Certains sont seuls, en chambre étudiante, et vont se retrouver sans contrat… ». Il faut donc trouver des financements pour les prolonger, avec de l’argent venant du ministère ou en prenant sur les budgets de l’an prochain. Entre ces deux situations extrêmes, « un retard à peu près équivalent au temps de confinement est à prévoir pour la majorité des doctorants » , affirme Thomas Coudreau, président du Réseau national des collèges doctoraux. Celui-ci va se réunir en début de semaine prochaine pour s’accorder sur la demande à faire au ministère, l’idée étant d’obtenir des financements pour prolonger tous les contrats doctoraux.

Un redémarrage qui promet d’être lent
Les postdocs partagent ces problématiques. Yoann Abel est actuellement postdoc à l’IGMM de Montpellier ; son contrat se termine mi-juin. Après le retour à la normale, il aura besoin d’au moins deux mois pour redémarrer ses expériences de biologie moléculaire et espérer des résultats. « Sans compter que l’accès aux plateformes mutualisées va probablement être difficile car elles seront surchargées », s’inquiète le postdoctorant. Malheureusement pour les postdocs, il n’y a pas d’écoles doctorales pour les défendre. « Et le ministère ne semble pas s’émouvoir du sort des contractuels en fin de contrat » s’indigne Yoann Abel. TheMetaNews a demandé cette semaine au ministère si des financements pour prolonger les contrats étaient envisagés. Nous attendons toujours une réponse. Pour tous les doctorants et chercheurs contractuels, quelle que soit leur situation, l’angoisse de l’épidémie s’ajoute à l’incertitude de leurs avenirs professionnels. Comme si une peur ne suffisait pas.
Qu’en est-il des étudiants en master ?

Tout le monde s’accorde à le dire, cette année les stages de master 2 ne seront pas des stages « normaux ». Difficile en effet de développer son projet sans mettre un pied au labo. Cela aura-t-il des conséquences sur l’attribution des bourses de thèse ? A Paris-Saclay, Sylvie Pommier se veut rassurante : « Tous les étudiants seront dans le même cas, et nous en tiendrons compte ». Au niveau national, Thomas Coudreau insiste quant à lui sur l’hétérogénéité des procédures entre disciplines. Ainsi, chacune décidera de modifier ou non son calendrier. « Nous ferons notre possible pour communiquer le plus tôt possible à ce sujet », promet-il.
Categories
Et pour finir

Olivier Belli : « On m’a reproché de m’attaquer à un éminent professeur »

Olivier Belli, doctorant en biologie moléculaire à l’ETH Zurich, dénonce les manquements éthiques des travaux de Christian Raoult sur la chloroquine.

Pourquoi avez-vous ressenti l’envie de prendre la parole auprès du grand public ? 

Je recevais beaucoup d’interrogations de la part de proches non-scientifiques et j’ai voulu écrire une réponse globale. Il était important pour moi de coller aux faits, de parler uniquement de l’article de Didier Raoult et de ses manquements éthiques. Certains disent qu’en tant de crise, on n’a pas le temps de respecter les protocoles à la lettre pour trouver des solutions. Je pense au contraire, qu’il faut faire d’autant plus attention. Le risque d’accident [par automédication, NDLR] est grand, surtout en Afrique ou en Asie où il est facile de se procurer de la chloroquine.

Quelles ont été les réactions ? 


J’ai reçu beaucoup de messages de soutien de la part de chercheurs et de médecins qui m’ont rassuré dans ma démarche et ma légitimité. D’autres personnes m’ont reproché d’être un simple doctorant qui ose s’attaquer à un éminent professeur. Mais si un simple doctorant voit les failles, c’est qu’il y a un sérieux problème. Enfin, quelques lecteurs m’ont avoué avoir pris du recul par rapport aux travaux de Didier Raoult.

Comment faire passer le message ? 


Je comprends les gens qui croient le professeur Raoult car on leur dit de faire confiance aux experts. Et le grand public n’est pas familier avec la culture de la contradiction que nous avons en sciences. De plus, on voit bien émerger la structure narrative du héros, seul contre tous, typique de la théorie du complot. La manière dont les sciences sont enseignées n’aide pas : le plus souvent, des figures charismatiques comme Galilée ou Einstein sont mises en avant au détriment du collectif.
Categories
Actualité

Les milliards sont-ils au rendez-vous ?

On décrypte les annonces d’Emmanuel Macron concernant la loi Recherche (qui en avaient bien besoin). Difficile de faire court, vous êtes prévenus.

Il a fallu 48 heures pour que l’annonce du président de la République soit comprise. 
En visite à l’institut Pasteur le 19 mars sur fond de Covid-19  – et malgré l’annonce faite trois jours avant de reporter toutes les réformes –, Emmanuel Macron n’est pas venu les mains vides. Il a mis sur la table une augmentation du budget de la recherche de 5 milliards d’euros PAR AN en 2030, (voir encadré pour l’explication des majuscules), ce que la com’ gouvernementale qualifie d’historique. Voici un détail des mesures annoncées par l’Elysée et le ministère de la Recherche :

Des postes supplémentaires ? Une annonce initiale de 12 000 postes (statutaires, CDI de chantier ?) supplémentaires n’a pas été précisée par le ministère de la Recherche qui s’avance en revanche sur 2 000 doctorants en plus (2027), dont 100 en 2021 ; les “tenure track” ou chaire de professeur junior (200 à 250 postes) seront aussi de la partie (2021).

Un milliard de plus par an pour l’Agence nationale de la Recherche (2027), chaque appel remporté sera assorti de 40% de “préciputs” versés aux tutelles. L’Elysée n’exclut pas d’accélérer ce calendrier.

Des revalorisations salariales. Aux augmentations déjà connues côté jeunes chercheurs (2021) se sont ajoutées des annonces concernant tous les chercheurs  : + 6 000 euros par an (2027).

L’accent sur la santé « globale ». Ce secteur de recherche (antibiorésistance, épidémie, santé populationnelle) touchera à lui seul un milliard (2030) en plus par an, ainsi que 300 millions pour des projets de recherche. Reste à savoir de quelle manière.

Des réactions somme toute mitigées. Interrogé, Franck Loureiro (CFDT) salue l’effort financier mais aurait souhaité qu’il soit plus prononcé dès 2021. Patrick Monfort (SNCS) est beaucoup plus critique envers ces annonces qui ne permettrait de faire que la moitié du chemin vers les 1% du PIB consacrés à la recherche. Avec deux élections présidentielles d’ici à 2030, les lois de programmation n’engagent de toutes façons que ceux qui les croient.
Le tweet qui valait 25 milliards5 milliards sur 10 ans ou 25 milliards sur 10 ans ? La question a agité la communauté pendant trois jours, à compter de l’annonce d’Emmanuel Macron. Il s’agit pourtant bien de la deuxième lecture qui est la bonne : le budget de la recherche serait (conditionnel de rigueur) abondé par paliers successifs pour aboutir à 5 milliards PAR AN en 2030, soit 25 millliards en cumulé pendant les 10 ans… ce que le tweet présidentiel ne précisait pas.
Categories
Actualité

Des souris ou des hommes

Survie des animaux, sécurité des animaliers ou continuité des recherches, le confinement génère de nombreux dilemmes.

C’est une conséquence inattendue de la pandémie de coronavirus.
« Quand arrivent les vacances ou un déménagement, en général on anticipe », témoigne Alexandra Gros, postdoctorante en neurosciences, « mais là, la situation est exceptionnelle ». Au sein de l’Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux, Alexandra conduit des expériences impliquant des rats. Jeudi dernier, le directeur de son unité avait anticipé le confinement mais les consignes ne sont officiellement tombées que lundi : les chercheurs doivent rester chez eux. Que faire alors des animaux ?

Charge de travail
Le bâtiment comporte une grande animalerie conçue pour trois instituts, la majorité des équipes travaillant avec des modèles animaux. Alexandra avait seize rats. En temps normal, une dizaine d’animaliers s’occupent de la reproduction mais aussi des zones d’expériences et de la “laverie” – ils étaient déjà en sous-effectif. Durant le confinement, ils vont effectuer un roulement par binôme pour éviter la contamination de l’ensemble de l’équipe. « Il fallait donc diminuer au maximum le nombre d’animaux afin de diminuer la charge de travail », explique la chercheuse.
La biologiste retourne exceptionnellement ce vendredi au laboratoire pour sacrifier huit rats sur lesquels elle avait déjà commencé une expérience. Elle a obtenu une autorisation spéciale pour la mener à son terme jusqu’à vendredi. « Pour les expériences en cours, les animaux sont sous la responsabilité des chercheurs », donc elle se sent obligée de passer. Alexandra aidera les animaliers en effectif réduit à “sacrifier” les rats – une tâche déchirante –, et gardera les cerveaux congelés pour les étudier à la fin du confinement.

Contre mauvaise fortune
Eviter au maximum de sacrifier des animaux tout en soulageant les animaliers, c’est le dilemme des chercheurs. La décision de garder ses huit autres rats s’est faite en concertation avec le personnel de l’animalerie. « Ce ne sont que quatre cages, ils étaient d’accord. » Mais comment ces “vieux” rats pourront-ils être utilisés ? La solution d’Alexandra, c’est de mettre à profit la situation et « faire la même étude que je fais d’habitude avec de jeunes rats, mais avec des vieux ! »

Cela s’est passé différemment au Collège de France. La chercheuse Armelle Rancillac déplore « un véritable massacre ». La population de 1 500 souris de son équipe a pratiquement été réduite de moitié et va sûrement encore diminuer. La direction demande de signaler les animaux que les chercheurs souhaitent absolument conserver. « La priorité, c’est de garder les lignées précieuses, que nous ne pouvons pas racheter », explique Armelle, « mais ça fait vraiment mal au cœur car on en prend soin, de nos souris… » 

Accès limité
En cause, des effectifs réduits et l’impossibilité pour les chercheurs de soulager les personnels de l’animalerie : « Nous avions fait une liste de personnes – y compris des chercheurs – prêts à venir s’occuper des animaux, mais la direction n’a retenu que quatre personnes – au lieu de dix en temps normal. Et nos badges ne fonctionnent plus », regrette Armelle. En temps de crise, parfois, aucune solution n’est vraiment satisfaisante.  
« En général on anticipe, mais là, la situation est exceptionnelle. »
Alexandra Gros, postdorante à l’Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux
//////////////////////////////////////////////////
« La moitié sacrifiée avec le fol espoir que ceux que j’ai opérés la semaine dernière pourront servir la science d’ici deux mois.  » 
Christopher Stevens, doctorant au Neurocentre Magendie à Bordeaux (Twitter)//////////////////////////////////////////////////
Categories
Interview

Christian Gianese : « Ça a été un crève-cœur d’arrêter les expériences »

Pour Christian Gianese, responsable du plus grand liquéfacteur d’hélium de France, l’arrêt brutal des expériences signifie stocker une quantité gigantesque de ce gaz en un temps très court. 

Aviez-vous anticipé l’arrêt complet des expériences ? 


Oui, nous l’avions anticipé depuis une dizaine de jours. Il faut savoir que notre plateforme produit 400 000 litres d’hélium liquide par an. La moitié est pour l’institut Néel, le reste approvisionne des structures privées ou publiques dans toute la région. La récupération de l’hélium “chaud” [c’est-à-dire au-dessus de 4°K, NDLR] est cruciale étant donné que son prix a été multiplié par quatre en deux ans. 

Comment s’est passé l’arrêt ? 


Ça a été un crève-cœur d’arrêter les expériences à basses températures souvent longues à mettre en place, mais les chercheurs ont joué le jeu. Entre vendredi et lundi, 60 à 80 expériences ont été stoppées. Elles se réchauffent toutes au même moment et l’ensemble du gaz est ramené vers le centre de liquéfaction. Dans ces circonstances exceptionnelles, la question était : aurons-nous assez d’espace pour stocker tout cet hélium gazeux ? Nous avons eu de la chance car nous n’avions pas été ravitaillé récemment, nous pouvions donc tout stocker.

Il n’y a donc plus personne au labo maintenant ? 


Beaucoup de paramètres peuvent être suivis en temps réel de la maison mais pas tous. Tous les deux jours, une personne de notre équipe se rendra sur place. Le reste du labo est vide. J’ai fait le tour avec le directeur avant de fermer. D’habitude, même le weekend, on entend tous les appareils, les pompes à vide, qui fonctionnent. Là, c’était très impressionnant de voir ces 27 000 m² sans personne mais surtout sans aucun bruit ! Et sans savoir quand nous pourrons revenir…