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La loi Recherche elle aussi confinée

Ce n’est certes pas l’annonce principale d’Emmanuel Macron le 16 mars dernier mais tout de même.

En attendant que les mesures de confinement soit levées, « j’ai décidé que toutes les réformes en cours seraient suspendues, à commencer par la réforme des retraites », a déclaré le président. Difficile en effet d’imaginer période moins sereine pour discuter recherche.
Mais si vous voulez avoir un peu de grain à moudre pendant les semaines à venir, voici la trame du projet de loi telle qu’elle a été présentée il y a une semaine pile. Extension de la loi Allègre, CDI de chantier, revalorisations, financement de l’Agence nationale de la recherche sont quelques uns des 25 articles du projet de loi. On a donc dépassé le stade des rumeurs dénoncées par Frédérique Vidal.
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La recherche face au “lockdown”

Devant le flou relatif des directives, les chercheurs s’organisent dans l’urgence pour assurer la continuité de leur travaux… quand c’est possible.

Depuis maintenant presque 48 heures, les labos sont passés dans le monde d’après. 
L’évacuation express de l’Université de Tolbiac, décidée jeudi 12 mars dernier, n’aura donc été que le prélude d’une situation inédite. L’IUT de Creil avait lui fermé une dizaine de jours auparavant. En moins de quatre jours, c’est en effet tout l’Enseignement supérieur et la recherche qui ont dû improviser une vie loin de son labo et de ses équipes avec un mot-clef : télétravail.

Des recos en plusieurs temps. 
La ministre de la Recherche s’est adressé à deux reprises au monde de la recherche par courrier, suivant de près les annonces gouvernementales sur l’interdiction des rassemblements et la distanciation sociale. Si, le 13 mars encore, les activités de recherche devaient se maintenir, il n’en est aujourd’hui question que pour les travaux essentiels et encore, au compte-gouttes.

Les reports et annulations se succèdent.
Fort logiquement, les élections universitaires tout comme les concours CNRS ont été annulés et reportés. L’ANR a communiqué sur un report des calendriers des appels à projets (sauf celui sur le Covid-19) ; tous les établissements de recherche ont émis leurs propres directives (lire celles de l’ICM ou celles de l‘institut Pasteur ou Paris Saclay notamment) et organisent le couvre-feu. Tout comme à Harvard, qui a annoncé dès le 14 mars l’arrêt de toute recherche en son sein. Pour un temps.
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Interview

Vincent Larivière : « La Chine a réalisé l’ampleur du problème »

Vincent Larivière et ses collaborateurs ont analysé la transmission des connaissances sur le Covid-19. Ils dénoncent les dysfonctionnements du système de publication. 

Suite à l’appel du Wellcome Trust, de nombreuses publications portant sur le covid-19 ont été mises en accès ouvert. Est-ce suffisant ? 

La réponse a été rapide mais je pense qu’il s’agissait avant tout d’un exercice de relation publique de la part des maisons d’éditions. Elles ont vu là l’opportunité de gagner en capital sympathie. Mais si elles avaient vraiment à coeur le partage de la connaissance, elles ouvriraient l’accès à toutes les publications sans attendre une autre crise.

Quel rapport entre le Covid-19 et la décision du gouvernement chinois de ne plus payer de primes à publication ? 

Fin 2019, après avoir constaté à Wuhan les premiers cas, les chercheurs chinois sont rentrés à Beijing et qu’ont-ils fait en premier ? Ils n’ont pas préparé un document en chinois pour alerter les autorités mais ont rédigé un article en anglais pour le soumettre dans une grande revue et toucher la prime à la publication. Comme si c’était une recherche comme les autres, qu’elle n’avait pas de conséquence. Le gouvernement chinois a réalisé l’ampleur du problème et change maintenant de paradigme.

Mais n’est-il pas aussi nécessaire de publier en anglais pour rendre accessible les résultats à la communauté internationale ? 

Avoir une langue commune n’est en réalité pas très ancien. Lorsque Einstein a publié sur la relativité générale en 1911, il l’a fait en allemand. Et tout le monde s’est bien débrouillé pour le traduire. Aujourd’hui, le poids repose uniquement sur les épaules des non-anglophones, alors qu’on dispose d’outils de traduction assez efficaces. Et surtout, il y a des conséquences : une langue apporte sa culture et ses biais. Le choix de la langue commune est avant tout politique.

Crédit photo : Amélie Philibert
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Comment le Covid ébrèche les paywalls

Vu l’urgence, les publications scientifiques sur le virus ont été en partie mise en accès libre. En partie seulement.

La fièvre gagne le monde de l’édition scientifique. La pétition à l’initiative de Free Read pour l’ouverture des publications sur le Covid-19 vient de se clore avec plus de 1900 signatures recueillies. Dès le 31 janvier dernier, Wellcome Trust appelait les éditeurs à rendre libre l’accès aux publis sur le sujet. Ce qu’ils ont fait… mais en partie seulement. Sur environ 14 000 publications portant sur le Covid-19, moins d’une sur deux est en accès libre et elles font référence à environ 200 000 articles, toujours en accès payant pour la plupart.

Compilations libres
Tout cela a généré de nombreuses critiques (ici, , voir notre interview de Vincent Larivière ). Au point que le Los Angeles Times s’interroge : les éditeurs vont-ils survivre à la crise ? Ils essaient en tous cas de rebondir : Nature a lancé une plateforme d’open peer-review pour répondre à l’urgence. En parallèle, de nombreuses initiatives visent à collecter et mettre à disposition du plus grand nombre les travaux sur le Covid-19 (WHO, Harvard, ou JOGL, une association française).
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La loi Recherche a toujours sa cape d’invisibilité

Aux lendemains d’un apex de mobilisation contre ce texte fantôme, on fait le point sur ce qui le rend encore vaporeux.

Au moins l’info circule. 
Pas le contenu de la loi, non, mais les raisons de son blocage, toujours pas levé après un an de discussions. C’est un compte-rendu d’une rencontre entre les sociétés savantes et les services de Matignon en la personne de Philippe Baptiste qui permet de les lister :

Un agenda plein comme un œuf. La loi Retraite (et un autre texte sur l’audiovisuel) vont occuper les esprits des parlementaires encore de nombreuses semaines. En plus l’Assemblée est en travaux cet été !

Un cadrage budgétaire plus qu’incertain. Les revalorisations promises par Frédérique Vidal pour les personnels de recherche, au-delà des annonces déjà faites, et l’augmentation du budget du ministère de la Recherche sont à mettre au conditionnel. Un regard du côté de Bercy…

Résultat : un texte à la découpe. La loi Recherche, dont certaines dispositions comme le CDI de chantier sont déjà entérinées, ressemblera certainement à une partition d’orgue de Barbarie, la majorité des mesures étant prises après son vote par décrets et ordonnances. Vous avez dit Arlésienne ?
Facs et labos dans la rue
Le 05 mars dernier, ce sont 25 000 personnes (selon les organisateurs) qui ont battu le pavé parisien avec des mots d’ordre toujours mêlés contre le projet de loi retraite et la loi Recherche. D’autres mobilisations sont à prévoir courant mars.
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Les allers-retours du passeport talent

Recevoir des chercheurs étranger pour de longs séjours est devenu (beaucoup) plus compliqué depuis quelques mois. Explications.

Vous souhaitez inviter un chercheur ou un doctorant étranger dans votre équipe pour un séjour long ? Ce peut être un parcours parsemé d’embûches que des arrêtés successifs ont rendu encore plus périlleux. La voie royale est habituellement la procédure « passeport-talent, mention chercheur-scientifique » qui nécessite la signature d’une convention par l’université ou l’établissement d’accueil. Cependant, depuis le 27 août 2019, cette convention ne fait plus mention des chercheurs non salariés en France. Elle exclut donc les chercheurs et doctorants étrangers hors Union européenne, qu’ils aient un contrat ou non dans leur pays d’origine. 

Protéger les visiteurs
Pourquoi ces nouvelles dispositions ? Certains suspectent une pression venant du ministère de l’Intérieur pour limiter l’entrée de visiteurs étrangers, de peur qu’ils restent en France après expiration de leur visa. Mais pour les personnels des centres du réseau Euraxess que nous avons interrogé, le but est avant tout de protéger les étudiants, en application d’une circulaire de 2006. « C’est quand même problématique de travailler sans aucun contrat, pour l’aspect éthique, mais aussi au niveau des assurances », répond le centre acc&ss de la Cité universitaire de Paris.

Depuis septembre, il était donc devenu impossible de recevoir des chercheurs étrangers non salariés en France, principalement des doctorants boursiers dans leur pays d’origine. Les services concernés ont continué d’utiliser l’ancienne convention d’accueil pour des séjours débutant en 2019 mais comment faire pour 2020 ? « Aucune demande n’a été faite depuis janvier, alors que d’habitude il y en a beaucoup, notamment pour des étudiants en provenance du Brésil », témoigne-t-on au centre acc&ss. Le réseau EURAXESS a fait remonter en janvier le problème au ministère, qui semble l’avoir entendu… mais en partie seulement.

Casse-tête
Le tout récent arrêté du 22 février 2020 réintroduit en effet dans la convention d’accueil une case pour les chercheurs salariés dans leur pays d’origine. Mais la situation reste bloquée pour les doctorants boursiers, soit environ 2 000 visiteurs par an. « Il faut bien s’imaginer que le statut des doctorants à l’étranger n’est pas forcément le même qu’en France, alerte une chercheuse en physique, cela devient un véritable casse-tête pour nous chercheurs et pour les personnels administratifs. » France, terre d’accueil pour les chercheurs ? Il y a encore du travail.
Qui sont les chercheurs étrangers en visite ?
Voici un bilan pour l’année 2018

Combien ? 14 500 chercheurs, dont 8250 doctorants.
Quelles disciplines ? Sciences exactes ou naturelles dans plus de 50% des cas.
D’où ? Principalement de Chine, d’Algérie, de Tunisie, d’Inde, du Brésil… mais plus de 160 pays sont représentés.
Quel âge ? En moyenne 31 ans côté chercheurs, 28 ans côté doctorants.
Quels revenus ? Presque la moitié est salarié en France, mais beaucoup de doctorants ont une bourse dans leur pays d’origine.

Source : rapport annuel de la Fondation nationale Alfred Kastler