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La recherche déconfinée à pas comptés

Les annonces d’Edouard Philippe concernent tout l’enseignement supérieur et la recherche en attendant un plan de reprise d’activité ad hoc.

Voici le manuel de la vie d’après.
C’est devant 75 députés qu’Edouard Philippe, le Premier ministre a présenté sa version du plan de déconfinement de la France. Ce discours fait suite aux recommandations du Conseil scientifique publiées le 20 avril dernier et donneront le tempo du 11 mai jusqu’au 02 juin… Sauf si les indicateurs sont trop mauvais le 11 mai, auquel cas le confinement ne sera pas levé. La recherche, qui n’a fait l’objet d’aucune mesure dérogatoire, est donc pleinement concernée par toutes ces mesures, sauf improbable contre-ordre.

Qui sera , qui sera ? Tous les départements français seront classés vert ou rouge, en fonction de la circulation virale, à compter de jeudi grâce à des points réguliers de la direction générale de la Santé. De ce classement dépendront les conditions du déconfinement le 11 mai.

Réunions et rassemblements verrouillés. Tous les rassemblements privés de plus de 10 personnes continueront à être interdits ainsi que les grands évènements (type match de foot).

Réouverture des écoles au compte-gouttes. La doctrine gouvernementale a évolué sur la réouverture des collèges, finalement le 18 mai (pour les départements ) et des lycées, pas avant juin. Pour les autres classes d’âge et sur tout le territoire, la réouverture se fera de manière graduée à compter du 11 mai, sur la « base du volontariat » et en effectifs réduits.

Les transports au régime . Les distances de sécurité devront être respectées dans les métros, bus et tramways et le port du masque sera obligatoire. Prévoir donc une réduction substantielle du service et privilégier les horaires décalés quand le télétravail est impossible.

Le télétravail toujours privilégié . Logiquement, le “home office” sera toujours la règle après le 11 mai, les déplacements à plus de 100 km ne seront pas autorisés sauf motifs impérieux en revanche bye-bye les attestations de déplacement.

Précautions sur les lieux de travail. L’employeur est responsable de la protection de ses salariés, à la fois pour le respect des distances physiques et, en cas d’impossibilité, le port de masque sera la norme.

Mise à l’isolement. C’est une mesure qui sera certainement très commentée : des « brigades » (le terme est officiel) seront chargées de détecter les porteurs du Covid et de les isoler, soit chez eux pendant 14 jours, soit dans des lieux réquisitionnés, comme des hôtels.

Prochaine étape le 07 mai. Le ministère de la Recherche et les partenaires sociaux (syndicats, universités, instituts…) préparent un cadre général pour la reprise d’activité qui sera connu au plus tard à cette date, soit quelques jours avant que la France n’entrouvre à nouveau ses portes… pour les plus chanceux d’entre nous .
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La lumière (du labo) au bout du tunnel

Le retour au labo peut s’envisager à partir du 11 mai… mais dans quelles conditions ? On fait le point.

Il est encore trop tôt pour parler de plan de reprise d’activité dans la recherche. Sauf évidemment pour ceux qui n’ont pas quitté les locaux pour assurer la maintenance du matériel, voire la survie des animaux ou tout simplement pour combattre le Covid-19.

Le sujet est maintenant sur la table. Jeudi dernier, suite aux annonces présidentielles du 13 avril, la Conférence des présidents d’université (CPU) a tenu sa première réunion sur le sujet, qui a été également au menu du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) le 21 avril. Le président de la CPU, Gilles Roussel dit vouloir s’appuyer sur l’expérience des labos qui n’ont pas fermé leurs portes.

Une chose est sûre. Si les facultés sont fermées pour les cours en présentiel jusqu’à la rentrée de septembre, les laboratoires de recherche pourront rouvrir à compter du 11 mai. Reste à déterminer le calendrier de ce retour aux affaires scientifiques. Faute de directives centralisées claires — qui ont fort peu de chances d’être édictées par le ministère de la Recherche —, il sera laissé à l’appréciation des instituts et universités.

Au moins 15 jours de battement. A l’Inrae, notamment, le télétravail sera privilégié a minima jusqu’au 25 mai, soit la date de réouverture des écoles pour toutes les classes d’âge ; les directives seront égrenées dans les prochains jours par vos tutelles. Pour la CFDT, il est donc vraisemblable qu’il n’y ait « pas de reprise de tous les agents à temps plein dès le 11 mai au matin ». Une position confirmée par la CPU dont le président prévoit au moins une quinzaine de jours “tampon” avant une reprise totale.

Des questions en pagaille. Les congrès aux quatre coins du monde survivront-ils au Covid-19 ? Quelle gestion des masques au sein des labos ? Comment respecter la distanciation sociale en bureau partagé ? Faut-il reprendre dès que possible les expérimentations animales ou les terrains en sciences sociales ? Les prochaines semaines seront cruciales.
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Quand je serai grand, je serai chercheur

Comment nait une vocation ? Beaucoup d’entre vous ont eu à cœur de répondre aux problèmes de société mais le retour à la réalité est parfois dur, révèle l’enquête #ParlonsRecherche.

Rester un éternel étudiant. Si cela semble être la motivation première de certains, pour d’autres c’est le hasard, une rencontre avec un professeur passionnant ou l’attrait pour le service public qui les ont menés à la recherche. Mais c’est la curiosité qui revient le plus souvent. Caroline, doctorante en géographie, nous le raconte : « Enfant, je voulais devenir exploratrice, je lisais beaucoup. Finalement, les vrais explorateurs·trices ont toujours été les chercheurs curieux. J’en ai joyeusement pris conscience en entrant à l’université. »

La vocation est souvent synonyme de prise de conscience, comme en témoigne la doctorante Adèle Gapin : « Une fois notre naturel (…) découvert, on réalise qu’on doit le mettre au service de la communauté ». Cette volonté d’être utile est aussi très présente chez cette postdoc en agrologie, pour qui le déclic a été « le constat de l’impasse environnementale constamment réaffirmée dans les médias, la vie quotidienne et les œuvres de fictions qui nous accompagnent, le sentiment qu’il faut agir et trouver des solutions ».

La réalité de la recherche est parfois moins enchanteresse : « compliqué, galère, précaire, frustrant, usant, déprimant » sont des expressions qui reviennent énormément parmi les réponses à la question « Pour moi, en 2020, être chercheur c’est… ». Mais d’autres préfèrent voir le verre à moitié plein et répondent : « De la fierté, passionnant, le feu !, la liberté, une chance, un espoir, faire avancer la connaissance, travailler pour la société… ». Et vous ?
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Hervé Maisonneuve : « Le coupable, c’est le système »





A 70 ans, ce médecin de formation aux nombreuses casquettes n’abandonne pas sa passion : les publications scientifiques. Depuis 2009, il anime sans langue de bois le blog Rédaction médicale et scientifique.

Vous suivez de près les affaires de fraudes dans les publications. Qui est le principal coupable d’après vous : auteurs, reviewers, éditeurs ? 

C’est le système qui pousse les acteurs à jouer le jeu de la course à la publication. Et tout le monde le joue. Les auteurs embellissent leurs articles en suivant des pratiques douteuses. Les revues sont en compétition à la recherche du « hot paper ». Les reviewers, quant à eux, n’ont tout simplement pas le temps de bien lire. Certains deviennent carrément malhonnêtes — environ 5 à 10 % d’entre eux. Mais le coupable, c’est le système. La plupart des chercheurs sont honnêtes au début de leur carrière, puis voient se passer des choses et personne autour ne dit rien. Les dérives commencent ainsi.

Peut-on espérer une recherche plus intègre grâce aux jeunes chercheurs ? 

Je pense que nous sommes en haut du pic en termes de fraudes et de pratiques douteuses, et que ça va redescendre. Les fraudes sont rares mais médiatisées, alors que les pratiques douteuses sont fréquentes mais la communauté ferme les yeux. Les jeunes l’ont compris et un dialogue s’ouvre. La situation ne bougera pas du jour au lendemain – plutôt à l’échelle de 10 ans – mais elle évolue. Un exemple d’initiatives qui vont dans le bon sens, ce sont les Registered Reports. Il y a déjà 242 revues qui s’y sont mises, en sciences cognitives au début. Des disciplines comme la physique seraient plus intègres car plus ouvertes et collaboratives, et ce depuis longtemps.

Passons à l’affaire Raoult (on est bien obligé) : qu’est-ce qui vous a le plus choqué ? 

Deux choses. Tout d’abord, la complaisance entre pro et anti-Raoult,  au niveau des chercheurs ou des institutions. Par exemple, le président de l’Université Aix-Marseille aurait pu nommer une commission pour vérifier comment Didier Raoult et son équipe avaient conduit leurs recherches. Une ré-analyse par une équipe indépendante aurait été utile. Ce sont des choses simples, mais qui n’ont pas été faites. La deuxième chose qui m’a choqué est le fait que le débat ait été dominé par des journalistes et des politiques incompétents en science. Le summum a été atteint avec le sondage du Parisien et la pétition à l’initiative d’hommes politiques.

La crise du Covid-19 engendre une explosion des preprints, surtout en biologie et dans le médical. Y a-t-il un danger ?


Au contraire, c’est un énorme progrès ! Je suis très en faveur du preprint. Et c’est en effet “grâce” au Covid qu’il prend de l’ampleur en médecine. En réalité, le preprint date de 1991 – il a démarré en physique avec arxiv –, mais sa version médicale, medRxiv, a ouvert seulement mi-2019. C’est donc très récent ! Il y a eu beaucoup d’opposition avec des arguments du type « la médecine est une science différente des autres sciences » ou « attention, les citoyens vont pouvoir ré-analyser les données et leur faire dire ce qu’ils veulent », c’est-à-dire conforter des théories anti-vaccins ou pro-homéopathie… Les serveurs devraient contrôler un minimum les publications pour qu’il n’y ait pas d’abus (absence de méthodes, sexisme, racisme…). Mais sur le gros volume, mis à part quelques personnes malveillantes, le système marche très bien et va se réguler.

Que pensez-vous du mouvement open science en général et des critiques envers les grandes maisons d’éditions en particulier ? 


Le mouvement open science est inéluctable et est un vrai progrès. Mais attention à ne pas confondre open science et intégrité scientifique. L’open science n’empêchera pas les fraudes. D’autre part, il y a la question des maisons d’éditions qui sont en train de changer de modèle car in fine toutes les publications scientifiques seront en open access. Évidemment, les profits actuels des grosses maisons ne sont pas acceptables. Cependant, je trouve que les maisons d’éditions ont un réel savoir-faire dont on a besoin (gestion des revues, contrôle qualité, outils électroniques, marketing, diffusion,…). Editeur est un métier en soi et ce n’est pas au chercheur de s’occuper de la mise en page, de la gestion du peer-review, etc. Cela aurait en plus un coût supplémentaire pour les universités. Il faudra du temps pour trouver un nouvel équilibre ; le Plan S au niveau européen est une bonne initiative.

Publier les résultats de la recherche en français doit-il être encouragé ? 


Je rejoins un peu Vincent Larivière, il a raison sur le principe. Mais les sciences « dures » sont passées à l’anglais et je ne vois pas de retour en arrière possible. Si l’ANR [Agence Nationale pour la Recherche, NDLR] exigeait des articles en français pour chaque dossier de demande de ressources, les chercheurs le feraient, mais ça provoquerait un tollé. C’est dommage car la francophonie se développe année après année grâce aux pays africains. Enfin, je dirais qu’on se rend d’autant plus compte de l’importance de notre langue quand on utilise une autre – l’anglais en l’occurrence. Notons que des auteurs comme Bourdieu et Foucault sont parmi les plus cités en sciences sociales et que leurs articles sont en français.

Qu’est-ce qu’un chercheur responsable selon vous ? 

Le chercheur est en premier lieu responsable vis-à-vis de la société. La recherche doit être au service de la société. Le chercheur ne peut pas faire ce qu’il veut — après tout, c’est de l’argent public. Dans un deuxième temps, le chercheur doit respecter les principes d’éthique, de déontologie et d’intégrité scientifique. En médecine, la recherche n’est pas toujours superposable aux fréquences des maladies. Dans des domaines, celui de la vitamine D par exemple, des recherches apportent des progrès minimes, alors que des maladies infectieuses, chroniques ou tropicales n’ont que peu de programme de recherche. Enfin, la liberté du chercheur est de toutes les façons limitée, car il dépend du système pour mener ses recherches. La responsabilité des chercheurs doit être partagée avec le système. Par exemple aujourd’hui, il y a des chercheurs qui abandonnent leurs domaines de recherche pour travailler sur le Covid, car des ressources arrivent. Mais quand on aura une autre crise sanitaire, comment fera-t-on ? 
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Le plan S tente la transformation

En plein Covid, le plan S refait parler de lui.
Cette stratégie européenne, portée par cOAlitionS (oui, oui) visant à rendre open les publications scientifiques — en particulier celles issues de la recherche publique —, vient de publier les critères applicables aux revues en transformation, celles qui tentent le grand saut vers le libre accès. Part des publis en open, modèle économique, transparence de la tarification… cinq critères ont été édictés.

2024, odyssée de l’OA
Springer nature avait pris les devants dès le 08 avril en annonçant la “transformation” de la majorité de ses revues, y compris Nature et les Nature research journal mais sans s’avancer sur une date. Dont acte. En 2024 — ou avant — le taux de publis en open access devra avoir atteint 75% pour cocher toutes les cases du plan S, c’est également à cette date que cessera le soutien financier des membres de cOAlitionS pour ce faire. Une remarque pour finir : la pandémie de coronavirus n’en finit pas de démontrer les bienfaits de l’open access en matière de science.
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Derniers avis avant rétractation ?

Impossible d’être passé à côté.
Ce très controversé article par Didier Raoult et ses collaborateurs fait toujours parler de lui. Après une première remise en cause des méthodes utilisées, Elsevier déclare maintenant qu’une « relecture additionnelle et indépendante par les pairs est en cours afin d’établir si les inquiétudes à propos du contenu de l’article sont justifiées ».
L’article sera-t-il retiré si tel est le cas ?
En principe, c’est l’éditeur de la revue qui décide du retrait d’un article, après discussion avec la maison d’édition. Mais ici la situation est tout sauf simple. D’abord parce que la revue International Journal of Antimicrobial Chemotherapy est détenue à moitié par Elsevier et par la société ISAC. Ensuite parce que l’éditeur en chef de la revue n’est personne d’autre que Jean-Marc Rolain, co-auteur du papier…