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Des examens pour du beurre ?

L’université Panthéon-Sorbonne est le théâtre d’un affrontement juridique pour la mise en place des examens sur fond de Covid.

Le premier round a lieu début mai lors de l’adoption par la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) de modalités de passation des examens assouplies : pas d’examen en ligne synchronisé mais des “devoirs à la maison” et surtout une neutralisation des notes en dessous de 10/20. Les organisations étudiantes et syndicats d’enseignants souhaitaient ainsi réduire les inégalités entre les étudiants.

Des enseignants-chercheurs jouent le second round en s’opposant à « ce simulacre de diplôme ». Principalement issus de l’Ecole de droit, ils ont déposé une requête devant le Tribunal administratif de Paris, rejetée le 20 mai. Le match aurait pu s’arrêter là mais le président de l’université Paris-1 et Frédérique Vidal en personne sont entrés dans l’arène en prenant position contre cette décision qui « méprise l’engagement exceptionnel des enseignants-chercheurs ».

Dernier round (pour le moment) : le ministère annonce qu’il « appuiera les enseignants-chercheurs qui souhaiteront se pourvoir en cassation ». Un recours est donc déposé le 23 mai et le rectorat vient de suspendre la décision votée en CFVU. Le « culte des diplômes » a des défenseurs obstinés.
Deux semaines après l’affaire Dubois à Paris-Saclay, c’est en effet toujours la même question de fond : en temps de Covid, doit-on privilégier l’exigence ou la bienveillance ?
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Le retour de DORA (pas l’exploratrice)


Pas l’exploratrice, on vous dit
La dernière publication de DORA avance des propositions concrètes pour les institutions et les labos.

Le combat contre la suprématie de l’impact factor continue.
Dans sa nouvelle publication, l’initiative DORA — San Francisco Declaration on Research Assessment, née en 2012 — compare ainsi les journaux moins renommés aux médicaments génériques : même s’ils contiennent la même formule, la majorité des consommateurs préfère les médicaments de marque au prix plus élevé. DORA rejette en effet le sacro-saint impact factor qui ne mesure ni la qualité des chercheurs ni la pertinence des travaux publiés et prône des critères alternatifs.

Lignes directrices
DORA vient de proposer cinq mesures en direction des institutions avec des exemples concrets accompagnant chaque point dans le doc’ : mise en place de CV narratifs, matrice d’évaluation, implication des non-permanents dans les comités de sélection… Pour creuser le sujet et avoir un aperçu des pratiques d’évaluation des carrières dans les universités européennes, l’European University Association (EUA) vient justement de publier son webinar (et l’accent du premier intervenant vous sera familier !)

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Ces partenariats qui posent problème (PPP)

Un PPP comme on les aime (vous l’avez ?)

Deux rapports publiés le 25 mai étrillent les partenariats publics privés européens (PPP).
Ils sont l’œuvre de deux organisations non gouvernementales — Global Health Advocates and Corporate Europe Observatory. Le premier, baptisé « Plus privé que public », porte sur le développement des médicaments, l’autre nommé « Research&destroy » sur le secteur de l’économie à bas carbone et les technologies qui s’y rattachent. Les ONG pointent le rôle délétère des lobbys derrière ces initiatives, que ce soit l’industrie pharmaceutique ou agroalimentaire, entre autres.

Réquisitoire anti-PPP
Données rarement en open access (moins de 20% des cas), pans de recherche écartés pour des raisons commerciales, argent public dépensé sans contreparties, le constat est amer. Les documents nous apprennent notamment que la préparation européenne à des pandémies infectieuses telles que le Covid-19 a été entravée de ce fait. La date de sortie des rapports, au moment où se négocient les budgets d’Horizon Europe, avec près de 100 milliards d’euros, n’est évidemment pas un hasard. Seront-ils suivis d’effets ?
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Et pour finir

Oui mais non

 Voici une illustration moderne et assez parlante de la réponse gouvernementale à la question : « Puis-je prolonger ma thèse ? ». Après le point Godwin, le point Erwin ?
 

 


 


 Voici une illustration moderne et assez parlante de la réponse gouvernementale à la question : « Puis-je prolonger ma thèse ? ». Après le point Godwin, le point Erwin ? 

  
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L’affaire Dubois en résumé

Le 13 mai dernier, ce professeur de droit à l’université Paris Saclay a été suspendu temporairement de ses fonctions.
Et ce, à quelques mois de son départ en retraite et à deux heures de la réunion d’un jury d’examen. Le cas de cet enseignant-chercheur, connu par ailleurs pour ses fonctions à la Ligue des droits de l’homme, dont il a été président, a suscité beaucoup d’émois (et une pétition).
En cause ? Le déroulement d’un examen en ligne, soupçonné de biais par l’université.

Loin des yeux
L’intéressé a, dans un mail à la direction juridique, nié toute intention frauduleuse. A la présidence de Paris Saclay, on explique avoir agi rapidement suite à des « remontées », ayant la certitude que « l’examen ne s’était pas déroulé dans de bonnes conditions ».
La plateforme utilisée aurait permis aux étudiants de consulter les bonnes réponses après une première tentative… Plus largement, cette péripétie pose la question — épineuse — des examens à distance. Nous y reviendrons.
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Les doctorants veulent jouer les prolongations

Le flou entourant la prolongation des contrats doctoraux crée des tensions. On en sait (un peu) plus aujourd’hui.

L’unanimité totale dans la recherche est rare. Mais le cas de la prolongation des contrats doctoraux fait l’unanimité : universités, syndicats (pas un ne manque à l’appel), directeurs de laboratoires (par la voix de l’ADL) associations, sociétés savantes, institutions et organismes de recherche et financeurs comme l’Agence nationale de recherche (ANR) sont tous suspendus aux annonces de Frédérique Vidal (et à l’arbitrage de Bercy).

Le 23 avril, la ministre avait pourtant donné un signal positif : les contrats doctoraux ou post-doctoraux pourraient être prolongés « si nécessaire » d’un an et les crédits non consommés reportés en 2021, notamment ceux de l’ANR. De plus, il « coulait de source » que les établissements ne paieraient pas de leur poche. Concernant l’ANR la mesure, financièrement neutre, a été réglée rapidement… mais tout autre engagement budgétaire est encore pendant.

La loi jette le trouble. Pour ne rien clarifier, la loi d’urgence en discussion à l’Assemblée nationale ne prévoyait qu’une prolongation à durée très limitée, celle de l’état d’urgence, avant que le gouvernement revienne sur cette demi-annonce par amendement. Restait maintenant l’essentiel : éviter aux structures de recherche d’avoir à financer elles-mêmes ces prolongations, ce que la ministre semble avoir fait hier.

Les besoins de prolongement sont très hétérogènes, de zéro mois à un an ou même plus si un terrain a été annulé, une lignée de souris euthanasiée ou un printemps raté, le ministère de la Recherche a demandé un état des lieux précis (en voici un exemple).
Qui prolonger ? Pour quelle durée ? Sur quel critère ? On voit se profiler des « arbitrages horribles » en cas de manque de moyens, pour paraphraser un connaisseur du dossier.

Frédérique Vidal donne quelques garanties. Dans une allocution (à distance !) devant les députés le 19 mai, la ministre a assuré que l’Etat « sera là pour financer » la prolongation des contrats. Reste maintenant à connaître le sort des doctorants et post doc qui ne relèvent pas de l’Etat mais de régions ou d’associations par exemple. Frédérique Vidal a promis une circulaire rapidement sur le sujet : « On ne demandera pas à chaque doctorant d’aller au guichet de son financeur ».

Le chiffrage de la mesure est compliqué. Plusieurs estimations existent : le chiffre de 55 millions d’euros équivalent à deux mois de prolongation pour tous, qui a circulé de source ministérielle, a tout d’un prix plancher. Les sociétés savantes évaluent la prolongation de trois mois de tous les contrats à durée déterminée en recherche et dans les universités  à 362 millions. La question politique est plutôt : pourquoi faire l’économie de cette dépense alors que les doctorants sont le bras armé de la recherche en France ?
Interdits de labo

 La loi est absurde mais c’est la loi : le décret “post confinement” du 11 mai 2020 (exactement son article 12) interdit aux « usagers » l’accès aux établissements d’enseignement supérieur. Et par « usagers », la loi entend de nombreuses catégories… dont une partie des doctorants, à savoir ceux qui ne sont pas salariés par l’université, comme les boursiers ou ceux dépendant d’un organisme de recherche mais aussi tous les étudiants en stage par exemple. Une contradiction qui n’est pas qu’apparente avec les directives de déconfinement du ministère de la Recherche qui précisent que « la reprise progressive des activités de recherche en présentiel pourra concerner l’ensemble des personnels qui y concourent, quel que soit leur statut juridique ».
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Interview

Detlef Weigel : « Les demandes de nouvelles expériences deviennent impossibles »

Les conséquences pour les jeunes chercheurs de l’arrêt des labos ont conduit Detlef Weigel, le rédacteur en chef adjoint d’eLife, à demander aux reviewers de limiter leurs exigences. 

Pourquoi avoir modifié votre politique d’évaluation par les pairs (y compris pour les études qui ne sont pas liées au Covid-19) ? 

Dans la situation actuelle, il est devenu très difficile, voire impossible, de répondre même à de petites demandes de nouvelles expériences pour de nombreux laboratoires. Nous avons donc revu nos directives d’origine : réduire le délai entre la soumission du manuscrit et son acceptation a de toutes façons toujours été un de nos objectifs. Au lancement d’eLife, il y a près de 10 ans, les fondateurs étaient d’accord sur le fait que dans de nombreuses revues, les demandes de révision étaient devenues incontrôlables.

Certains reviewers ont-ils protesté ?


Non. D’ailleurs, nous n’avons pas entièrement renoncé aux demandes de nouvelles expériences si elles sont absolument essentielles. Nous offrons en plus aux auteurs la possibilité de recevoir un cachet officiel « en révision chez eLife » pour leur preprint — posté sur bioRxiv par exemple. À cela s’ajoutent les rapports des reviewers [systématiquement publiés avec l’article dans eLife, NDLR], afin que des tiers puissent avoir la preuve que le manuscrit sera très probablement publié dans eLife. C’est important pour les auteurs qui candidatent à des financements ou à des postes.

Avez-vous reçu plus de soumissions et avez-vous accepté plus d’articles en avril 2020 que l’an passé ?


Nous pensions plutôt qu’il y aurait une réduction des soumissions. En réalité, les soumissions et les acceptations ont toutes deux augmenté de près de 25% entre avril 2019 et avril 2020. Que ce soit à cause de notre nouvelle politique ou parce que le travail à domicile a permis à plus de collègues de rédiger leur manuscrit, je ne sais pas, mais j’en suis en tous cas très heureux.

Photo © Jörg Abendroth