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Interview

Jean-François Doussin : « Il y a peu d’interlocuteurs et beaucoup de demandes »

Spécialiste des aérosols, Jean-François Doussin a vite senti qu’il avait un rôle à jouer dans la crise de la Covid : celui de médiateur.

Comment prenez-vous la parole dans les médias ?

Je précise tout de suite que je ne suis ni virologue ni épidémiologue. Je ne réponds aux journalistes que si cela rentre dans mon spectre de compétence – sinon, on n’a plus de légitimité et on tombe dans le café du commerce. Le problème est qu’il y a peu d’interlocuteurs et beaucoup de demandes – j’ai actuellement 2 à 3 sollicitations par semaine.

Quel a été le déclencheur ? 

Une note – à peine un preprint – mise en ligne en mars 2020 par Leonardo Setti et ses collaborateurs qui concluait à la corrélation entre pollution atmosphérique et infection à la Covid. Cette étude n’était pas robuste, les chercheurs n’étaient pas du domaine et leur hypothèse de base violait des éléments établis de la physique des aérosols. Bref, ce n’était pas déontologique et j’ai vu une véritable levée de bouclier de la part de la communauté.

Pourquoi vous ? 

Certains collègues parlent au labo mais pas en public  : en sciences de l’environnement, notre parole est souvent perçue comme anxiogène. De plus, la transmission aéroportée des virus est un champ très spécifique qui ne regroupe qu’une poignée de chercheurs aux Etats-Unis – et aucun en France à ma connaissance. Je m’y suis donc collé, soutenu par le CNRS. Un groupe en ligne s’est auto-organisé autour de la communauté des aérosols où nous partageons et discutons les dernières parutions.

Avez-vous des contacts avec des virologues et des épidémiologistes ?


Pas vraiment. A l’échelle mondiale, on a assisté à une sorte de confrontation entre la communauté médicale et celle des physico-chimistes des particules. En juillet dernier, plus de 200 chercheurs ont adressé une lettre à l’OMS pour demander la reconnaissance de la contamination par voie aérienne – que je n’ai personnellement pas signée car je trouvais étrange que cela prenne la forme d’une pétition. Cette reconnaissance a progressé mais il reste tellement de retard à rattraper…

Pourquoi avoir pris ces responsabilités ?


Avoir des liens avec la presse n’a pas d’impact positif dans les dossiers d’avancement, il peut même en avoir un négatif. Je fais ça parce que je crois en l’éthique du service public de recherche et en la responsabilité des chercheurs – qui sont d’ailleurs mal comprises par le grand public. Lors d’une intervention diffusée sur Facebook, les commentaires – du type « tous les chercheurs sont vendus aux lobbies » – montrent bien la méfiance envers la science. Celle-ci cristallise des colères présentes dans la société.
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Physiciens et immunologiste, même combat


Aleksandra à gauche, Thierry à droite
Certains outils de physique s’avèrent cruciaux pour analyser les données médicales. Mais on ne s’improvise pas immunologue du jour au lendemain. 

Pourquoi deux physiciens attendent avec impatience les données de séquençage provenant de patients atteints de la Covid ? Réponse : pour tenter de comprendre l’hétérogénéité des réponses immunitaires dans la population par des méthodes de physique statistique, habituellement utilisées pour étudier les gaz.

Ces deux physiciens, les voici . Aleksandra Walczak et Thierry Mora ont passé de nombreuses heures en compagnie de biologistes et de médecins de l’hôpital Bichat à Paris dès le mois de mars. Après dix ans à collaborer avec des virologues à l’international, ils ont en charge le volet “immuno” de cette collaboration.

Ayant « raté la première vague » , selon leurs propres mots, en raison des protocoles éthiques – on ne demande d’habitude pas à des atomes la permission d’effectuer des prélèvements —, ils ont remporté un appel flash de l’ANR en mars dernier. Les chercheurs ont encore neuf mois pour dénicher les signatures des diverses réponses immunitaires.

« Une bonne raison de ne pas dormir ». On peut donc être un physicien de crise, à écouter ces chercheurs ! Pour Aleksandra Walczak, la Covid montre l’importance des mathématiques et plus largement de toutes les disciplines, même celles dont l’utilité n’apparaît pas dans l’immédiat en cette période troublée.
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Horizon Europe se débouche

Les négociations autour des budgets de recherche ont abouti à Bruxelles.

Un long consensus. Après une déconvenue médiatisée en juillet dernier — les budgets du programme européen étaient alors menacés d’une baisse d’une quinzaine de milliards d’euros —, une négociation de 14 heures bouclée à 05h du matin vendredi dernier semble avoir débloqué la situation.

La recherche sauve les apparences. Avec 95,5 milliards d’euros entre 2021 et 2027, Horizon Europe redevient ce qu’il a été. Et la recherche semble ne pas avoir été oubliée au passage, l’European research council (ERC) estime être sorti par le haut de la négociation, avec un budget reboosté de 1,1 milliard d’euros pour atteindre 16 milliards.

Tout n’est pas rose. Malgré l’optimisme affiché par les négociateurs, La ligue des universités (LERU) regrette, elle, le « cynisme hors catégorie » du Conseil de l’Europe (les gouvernements des états-membres) et qualifie l’accord de maigre consolation, insatisfaction partagée d’autres.

Marie part en Erasmus. Points positifs de l’accord, les bourses Marie Curie et le programme d’échange Erasmus+ bénéficient d’un coup de pouce.
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Et pour finir

Physique quantique immersive

Expliquer un sujet incompréhensible en dessin, c’est ce qu’a réussi à faire Adélie Braud pour l’Université Paris-Saclay. Le moyen ? Plonger directement le lecteur dans ce monde difficile à cerner qu’est la physique quantique grâce à des bandes dessinées immersives.
Et le résultat est à la hauteur de la beauté de la physique qu’elles racontent !

 
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Rouvrir les universités (et les fenêtres)


On disperse, on aère, on ventile.
Maintenir des conditions sanitaires optimales à l’université n’est pas évident mais les chercheurs se prennent en main et mesurent la ventilation des salles.

Dès la rentrée. Les facs pourraient rouvrir plus tôt que le 4 février initialement annoncé. Face à la situation préoccupante de certains étudiants, chercheurs et universitaires le réclament depuis plusieurs semaines (par des tribunes et des pétitions ici et ). Une reprise progressive dès le 4 janvier a été mentionnée par le Premier ministre devant Frédérique Vidal. La CPU, représentant les présidents d’université, également présente, appuie la décision.

De l’air, de l’air ! Un point crucial – et encore non éclairci – pour la ré-ouverture complète des campus reste la ventilation des salles. Cet été, deux articles ont montré la contamination au SARS-CoV-2 par aérosols (entre hamsters et entre furets). Certes nous ne sommes pas des furets, mais le spécialiste en dynamique des fluides Bruno Andreotti l’affirme, « en vertu du principe de précaution, mieux vaut aérer beaucoup plus » que les trois fois 10 minutes par jour préconisées. 

Des capteurs de CO2 « do it yourself » ont fleuri sur le web 

CO2 mon amour. La mesure de la concentration en CO2 est un bon indicateur de la qualité de l’air et elle est facile à effectuer. Des plans pour fabriquer “maison” des capteurs de CO2 ont fleuri sur le web. Alors que la limite officielle est de 1500 ppm, l’abaisser à 600 ppm améliorerait d’un facteur cinq la qualité de l’air (voir les conséquences un peu plus bas ). Que faire alors ?

Mesurer soi-même. Depuis septembre, Florence Elias se balade, capteur de CO2 à la main, dans les salles de cours de l’Université de Paris et a fait plusieurs observations intéressantes. Premièrement, avec la ventilation, on peut rester sous le seuil des 1000 ppm mais cela dépend du nombre d’étudiants – l’amphi est à moitié rempli sur la courbe de gauche ci-dessous .

La recherche en action, par Florence Elias.
Une ventilation qui joue des tours. Deuxième observation : la ventilation ne fonctionnait pas toujours et dans ce cas le taux de CO2 a dépassé les 2 000 ppm en 30 minutes (courbe de droite ). Moralité : « même si la ventilation est censée fonctionner, l’idéal serait d’équiper toutes les salles de capteur de CO2, pour détecter les cas comme celui-ci », conclut Florence Elias.

Une “recherche-action” locale. Enfin, mesurer les taux de CO2 et leurs conséquences pourrait être l’occasion de mener des recherches in situ avec la participation des étudiants. Mais cela demande un certain budget – compter 15€ pour un capteur de CO2, que l’université ne semble pour le moment pas prête à débourser. Faudra-t-il attendre la Covid-21 ?
Quel impact de l’aération sur la probabilité d’infection ? 
Au vu de la littérature, il semble peu probable que la probabilité de contamination à la Covid-19 varie linéairement avec la concentration en CO2, mais plutôt qu’il existe un effet de dose. Si c’est le cas, comme pour la tuberculose, « le maintien d’une concentration en dessous d’un seuil – à identifier – permettrait de réduire totalement les contaminations par aérosols dans les salles de cours », espère Bruno Andreotti.
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Emmanuel Macron coupe le cordon du Val-de-Grâce


Le 04 décembre, à l’Institut Imagine
Le projet de campus numérique est officiellement lancé sur la friche de l’ancien hôpital militaire.

Le gratin de la recherche était réuni à l’institut Imagine. Le 04 décembre dernier, le Président ainsi que deux de ses ministres, Frédérique Vidal et Olivier Véran, accompagnés de nombreux présidents d’université et PDG d’instituts, ont poussé les portes de l’hôpital Necker pour porter le « Parisanté campus » sur les fonds baptismaux.

Penser immobilier. Vu l’ampleur du projet et le nombre des partenaires (Inserm, PSL, Inria, AP-HP, CNRS, Université de Paris, Health Data Hub…), il passera par une phase de préfiguration  à la « mi 2021 », la superficie du site devant à terme se monter à 75 000 m2.

La France a un Plan. Dôté de 400 millions de budget, ce « Parisanté campus » sera le fleuron d’un écosystème de la santé numérique, avec l’installation dès l’année prochaine de start-up, rejointes à l’horizon 2025 ou 2026 par des équipes de recherche des partenaires précités.
Un nouveau venu sans nom

La séquence présidentielle autour du Val-de-Grâce cachait une autre annonce : son entourage ainsi que le ministère de la Recherche ont ainsi évoqué la création d’une nouvelle agence, dont ni le nom ni le budget n’ont été révélés. Cette nouvelle structure serait le produit de la fusion de l’Agence de recherche sur le sida et les hépatites virales — côté financement — et de Reacting, le consortium monté ad hoc pour lutter contre la Covid en mars dernier. Yazdan Yazdanpanah, tout récemment auréolé d’un prix Inserm, y jouera certainement un rôle central.
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Suspendus à l’Europe

La titularisation assurée en cas d’obtention d’un financement européen ?
Inria le propose à ses post docs. Ca mérite quelques explications.

De quoi parle-t-on ? L’Institut de recherche a lancé un dispositif pour les postdocs, salariés ou non de l’Inria, visant à améliorer leurs chances de décrocher l’ERC starting grant, un financement européen, prestigieux, sélectif (moins d’une chance sur six d’en décrocher un) et rémunérateur. Les candidats retenus dans le dispositif se verront offrir un poste d’une durée de trois ans et un accompagnement personnalisé pour constituer leur dossier à l’ERC et le déposer jusqu’à deux fois.

Dix candidatures, trois postes. Initié début novembre et présenté aux représentants des chercheurs dans la foulée, le dispositif devait être bouclé au 10 décembre. Il suscite des remous en interne, notamment parce qu’il conditionne la pérennisation du poste des candidats à l’obtention de ce fameux ERC. Rappelons qu’une fois obtenu, la grant de l’ERC est aux mains du chercheur qui l’a gagnée. Trois postes sont concernés au sein de l’Institut, une dizaine de candidatures aurait été récoltée.

Calendrier serré. Un chercheur proche du dossier témoigne des inquiétudes au sein des représentants du personnel pour cette disposition qui concerne des personnels précaires : « Préparer une ERC est un gros travail qui ne se valorise pas en cas de refus (…) nous demandons l’arrêt du dispositif pour cette année et qu’il y ait une discussion. L’Inria veut plus d’ERC : nous aurions pu proposer d’autres stratégies pour ce faire. »

Un ballon-sonde. Interrogé, Jean-Frédéric Gerbeau, directeur général délégué à la science de l’Inria, nous livre son analyse : « Même si elle a raté l’ERC, la personne pourra naturellement présenter des concours de recrutement. Cela ne la pénalisera en aucune manière (…) Les postes qui seront attribués par ce biais existaient déjà (…) Le sujet n’est pas de faire de cette voie une norme pour nos recrutements permanents, cela n’aurait pas de sens. » 

Question de contexte  Limitée à l’Inria — à moins qu’elle n’inspire d’autres établissements —, cette disposition a une valeur symbolique plus forte que sa portée réelle mais intervient dans un contexte politique marqué par les débats autour des chaires de professeur junior. L’Inria avait par ailleurs lancé il y a quelques mois les ISPF.