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Interview

Yves Fort : « Il y a une forme d’autocensure »

Comment résoudre la sous représentation des sciences humaines à l’ANR ? Son directeur scientifique, Yves Fort, présente ses propositions à TMN.

Les chercheurs en sciences sociales déposent peu à l’ANR, quelles actions avez-vous engagées pour y remédier ?

Les chercheurs en SHS représentent environ 35% de la communauté scientifique et seulement environ 9% des dossiers déposés à l’ANR, avec toutefois des différences entre les disciplines, les économistes ayant plus l’habitude de fonctionner en consortiums que les historiens par exemple. Nous devions répondre à cette interrogation : pourquoi si peu de ces chercheurs nous adressent des dossiers ? Nous avons travaillé avec l’Alliance Athéna pour repenser les axes scientifiques du Plan d’action 2022 [paru il y a quelques jour, NDLR] qui passent de 4 à 7, couvrant ainsi l’ensemble des disciplines du domaine.

Au delà du constat, vous êtes-vous fixés des objectifs chiffrés ?

Avec cette ouverture aux SHS, nous espérons 250 à 300 projets pour l’année 2022, soit une augmentation de 50% du nombre de dépôts. Il y a une forme d’autocensure, peut-être liée au fait que les communautés pensaient qu’il n’était possible de déposer que des “gros” dossiers à 300 ou 400 000 euros, alors que les besoins en sciences humaines sont différents des sciences “dures”. Pour rappel, l’ANR peut financer des projets entre 15 000 et un million d’euros et apporter des solutions au financement des thèses, c’est important pour les SHS.

La situation est identique pour les bourses de l’European Research Council (ERC)…


Actuellement, les “tremplins ERC” permettent de financer les chercheurs ayant un dossier noté A à l’ERC sans être financé et ayant de bonnes chances de succès l’année d’après. Mais les SHS y sont encore une fois sous représentées. A titre expérimental, nous lançons donc Access ERC à leur intention qui permettra à des jeunes visant l’ERC de s’autofinancer à hauteur de 80 à 100 000 euros, sans forcément être en poste, il restera ensuite à trouver le bon “match” entre ce chercheur et un laboratoire. Ce programme sera lancé au dernier trimestre 2021 pour un financement effectif trois ou quatre mois plus tard.
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Interview

Bertrand Monthubert : « Les chercheurs autistes peuvent apporter une complémentarité »

Mathématicien et homme politique, Bertrand Monthubert coordonne le projet Aspie Friendly pour l’inclusion des personnes autistes à l’université. Explications.

Quel est l’objectif premier du programme Aspie Friendly ?

Il s’agit de favoriser l’inclusion des étudiants autistes à l’université et leur insertion professionnelle, qui se fait d’ailleurs parfois dans la recherche. Il faut considérer l’autisme, non pas comme une déficience, mais comme une différence qui peut être une richesse quand on la comprend. Les particularités autistiques peuvent être de grandes forces pour certaines activités, quand l’environnement est adapté.

Comment accompagner celles et ceux qui veulent être chercheurs ?

Beaucoup d’étudiants autistes sont attirés par la recherche par l’intensité de leurs intérêts spécifiques. Que ce soit pour démarrer un doctorat ou plus tard pour chercher un poste, nous essayons de les accompagner dans l’identification d’un laboratoire qui leur convienne, à la fois en terme de sujet mais aussi du cadre (pas trop grand, sans trop de partage d’équipement, etc). Nous travaillons également en profondeur avec les laboratoires pour prendre en compte leurs interrogations et chercher ensemble des réponses. Autrement, ils ne prendraient pas le risque.

Le métier de chercheur est-il adapté aux personnes autistes ?

Les tâches d’un maître de conférences ou d’un chargé de recherche en 2021 ne sont plus uniquement d’avoir des compétences scientifiques et une expertise pointue mais également d’encadrer une équipe, de chercher des financements… En bref, faire du management ce qui est compliqué pour beaucoup de personnes autistes. Mais pourquoi avoir des clones qui savent tous tout faire ? La recherche est souvent un travail collectif, au sein duquel les chercheurs autistes peuvent apporter une complémentarité, notamment sur la production scientifique pure. Il s’agit donc de leur construire une place pour qu’ils puissent se focaliser sur ce qu’ils font le mieux.

Pourquoi vous investissez-vous sur ce sujet de l’autisme à l’université ?

Tout d’abord car j’ai été sensibilisé à l’autisme dans mon environnement familial et que cela me passionne. Ensuite de par mes fonctions : j’ai travaillé sur la stratégie nationale de l’ESR pour le ministère. Un des gros enjeux est d’augmenter le nombre de diplômés du supérieur pour répondre aux besoins de notre société, ce qui passe par l’accueil d’une plus grande diversité d’étudiantes et d’étudiants. Sur la fin du troisième plan autisme, nous – j’étais conseiller spécial du secrétaire d’Etat en charge de l’ESR – avons travaillé pour ajouter un volet d’actions à l’université : le projet Aspie Friendly est en issu.
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Sur qui compter au quai Conti ?

La santé financière de l’Institut de France est toujours inquiétante.

L’âge ne fait rien. Tous les rapports de la Cour des comptes contiennent leur lot d’admonestations et celui sur l’Institut de France, rendu public le 15 juillet, ne fait pas exception à la règle. Il décrit la situation d’une institution centenaire toujours mal en point, dont la gestion reste « inefficiente », « malgré quelques améliorations » depuis son dernier audit en 2015.

Dans les détails. Si les ressources humaines semblent avoir été reprises en main, sa gestion des dons et des legs — non recensés jusqu’à une période récente —, ainsi que celle des nombreuses fondations qu’il abrite, est encore à entreprendre. Lapidaire, la Cour estime qu’il faut « remettre de l’ordre dans [les] comptes » malgré un patrimoine financier d’un milliard d’euros. Par ailleurs, certains de ses 18 sites sont « laissés à l’abandon ».

Astronomiques. La Cour chiffre l’impasse financière de l’Institut à environ 54 millions d’euros sur les cinq ans à venir, les seuls travaux nécessaires au vaisseau amiral du quai Conti en représentant 25. Or, si les cinq académies dont il est constitué ont quelques réserves, elles ne souhaitent pas participer à sa réfection. L’Etat, contraint de financer les travaux du château de Chantilly à hauteur de 5 millions d’euros, devra-t-il à nouveau mettre au pot ?

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Combien de collègues pour la rentrée ?

Frédérique Vidal a annoncé mille emplois « potentiels » pour la rentrée.

Qui, comment, combien ? Parmi les annonces du plan #MaRentrée2021, annoncé par le ministère de la recherche le 09 juillet, s’en cachait une concernant des postes : « un potentiel de recrutement de plus de 1000 nouveaux emplois », précise la com’ ministérielle. Quels emplois ?

Verbatims. Si la ministre devait annoncer « l’équivalent de 1 000 emplois d’enseignants chercheurs » dans le discours prévu, seul le prononcé faisant foi, les emplois d’enseignants chercheurs deviennent des « emplois » tout court (voir à 18:45). Vacataires ou titulaires ? Nul ne le sait, même si le timing de l’annonce rend impossible l’embauche de titulaires dans le temps imparti.

En toute indépendance. Contacté, le ministère précise que les « établissements recevront les financements progressivement dès cet été (…) Ce sont eux qui décident du type de postes qu’ils créent compte tenu de leur autonomie ». Les universités ne se sont pas exprimées officiellement sur le sujet.

Le chat et la souris.  En première analyse, ces annonces de création de postes sont « des mots creux », pointe une source syndicale. Les moyens mis en place mèneraient en réalité à un recours accru à des heures complémentaires ou à des contrats vacataires, qui n’engagent pas les établissements sur la durée.