Categories
Divers Non classé

La critique post-publication s’institutionnalise

Commenter sur Pubpeer, c’est peut-être l’avenir. L’Office de l’intégrité scientifique défend cette pratique, à quelques conditions.

Pas de consensus. La plateforme de commentaires anonymes Pubpeer et le blog Microbiome Digest qui respectivement traque les fraudes scientifiques et relève des manipulations d’images font maintenant partie du paysage de la recherche. Sans toutefois faire l’unanimité, comme l’ont montré les affaires Jessus ou Voinnet et la récente plainte déposée contre Elisabeth Bik et Boris Barbour.

Un justicier. Alors qu’en 2018 Antoine Petit critiquait Pubpeer, l’Ofis (Office français de l’intégrité scientifique) s’exprime aujourd’hui en faveur de ces dispositifs de critique post-publication et considère même comme un devoir pour les chercheur de les prendre en compte : « Dès lors que la critique y respecte ce principe [argumentation factuelle, dépassionnée et dépersonnalisée], un chercheur se doit d’y être réceptif et d’y répondre avec la plus grande diligence ».

Des vertus. « Ce sont des filtres supplémentaires qui permettent de détecter des faiblesses dans la production scientifique et donc d’en améliorer la qualité », argumente Stéphanie Ruphy, directrice de l’Ofis depuis mars dernier et philosophe des sciences à l’ENS-PSL. Cette ouverture constitue donc « une opportunité majeure », selon l’Ofis.

Monopole. L’Ofis va plus loin – sans trop s’avancer non plus – en envisageant « la prise en charge » par les institutions scientifiques de ces blogs et plateformes spécialisés, ce qui permettrait de les soutenir… mais également de les contrôler d’une certaine manière. Jusqu’à institutionnaliser Pubpeer ? La question n’est évidemment pas franco-française : « il faut la penser à l’échelle internationale, notamment via le réseau européen ENRIO dont fait partie l’Ofis », nuance la présidente. 

Notre analyse  Commenter des papiers post-publication est entré dans le quotidien de certains chercheurs, notamment en biologie et médecine, mais la pratique est encore loin d’être généralisée. Serait-elle pertinente dans toutes les disciplines, notamment en SHS ? 
Categories
Non classé

Pourquoi le stockage de CO2 est dans l’air


Le pétrole sort, le CO2 rentre
Lutter contre le changement climatique est l’objectif premier du stockage du CO2, développé en étroite collaboration entre le public et le privé. 

Retour à l’envoyeur. L’idée semble simple : puisque les gaz à effet de serre, CO2 en tête, sont responsables du changement climatique, pourquoi ne pas les remettre d’où ils viennent : dans le sol ? En effet, ils sont principalement rejetés lors de la combustion d’énergies fossiles : charbon, pétrole, gaz naturel…

Ouvrez la cage. L’ancêtre de ce qu’on appelle aujourd’hui le captage de carbone est un procédé de nettoyage du gaz naturel – où il est séparé du CO2 – datant d’il y a presque un siècle. Sauf qu’à l’époque, le dioxyde de carbone isolé était ensuite relâché dans l’atmosphère. Le GIEC n’existait pas encore.

Pétrole un jour… C’est dans les années 1970 qu’on a commencé à injecter du CO2 dans le sol… pour mieux en extraire le pétrole ! Expérimentée au Texas, sans aucune visée écologique, cette démarche a tout de même permis de stocker des dizaines de millions de tonnes de CO2 mais aussi et surtout d’en démontrer la faisabilité. 

Un geste politique va marquer le passage à l’action. Money is all. L’idée d’utiliser le stockage du CO2 pour lutter contre le changement climatique émerge parmi les scientifiques à la fin des années 1980 (▼ voir trombi ▼). Mais c’est un geste politique qui va marquer le passage à l’action : l’introduction de la taxe carbone en 1991, accompagné d’investissements massifs du gouvernement norvégien.

Réaction. Les compagnies pétrolières comprennent alors qu’il faut agir. Vite. Total mène un projet pilote à Lacq dans les Pyrénées entre 1990 et 1993. Une chaîne complète de captage à la sortie d’une chaudière à gaz, suivi du transport par pipeline et du stockage dans un gisement épuisé, est réalisée pour la modique somme de 60 millions d’euros.

Bien commun. Au sein d’un grand projet européen, des chercheurs en géosciences (▼ dont notre interviewée ▼) ont examiné entre 1993 et 1995 si le stockage du carbone est envisageable en termes de sécurité, mais aussi rentable. La conclusion sera positive, même si les coûts restent élevés, notamment pour la partie captage.

Vingt mille lieux. C’est ainsi qu’en 1996 démarre Sleipner, le premier projet de stockage de CO2 à grande échelle. Sous la mer du Nord, il ne s’agit pas d’un gisement de pétrole mais de ce que les géologues appellent des “aquifères salins profonds” – une sorte de réservoir naturel. La compagnie pétrolière nationale norvégienne, hier Statoil, aujourd’hui Equinor, pilote toujours le projet. 

Ce qu’on sait aujourd’hui.  Le stockage est bien maîtrisé et de nombreux projets sont à l’œuvre : le captage de fumées industrielles à Dunkerque pour un stockage en mer du Nord ou le stockage en Islande après captage du CO2 dans l’air par la startup suisse Climeworks. 

Ce qu’il reste à faire.  Les principaux défis sont sociétaux – convaincre que les risques, notamment de fuite, sont faibles – et financiers. Il faut en effet en diminuer les coûts, en particulier sur les étapes de captage et de surveillance des sites.
Sauver la planète chez Total ?


Philip Llewellyn a quitté son poste au CNRS il y a quelques mois pour le géant du pétrole afin « d’agir face au changement climatique ». Total a effet investi 100 millions de dollars, soit 10% de leur budget de R&D, dans le stockage de CO2. Les principaux défis se situent pour son équipe au niveau de la surveillance des sites de stockage, que la sismicité naturelle des Pyrénées permet de tester à Lacq. Il s’agit à la fois de « développer des capteurs moins onéreux pour les installer en réseau sur des kilomètres autour du point d’injection » mais aussi « des outils de simulation pour prévoir le devenir du CO2 en sous-sol », en collaboration avec des universités américaines, dont Stanford.
Le trombi du stockage de CO2

Erik Lindeberg 
 Pionnier du stockage de carbone, ce scientifique affilié au SINTEF (organisme de recherche norvégien privé) propose en 1986 le projet qui sera financé par Statoil en mer du Nord.

Jonathan Pearce 
Au sein du British Geological Survey, il investigue dès 1993 les risques liés aux fuites de CO2, qui restent faibles, et recommande des méthodes de surveillance

Samuela Vercelli Docteure en énergie et environnement, cette chercheuse de l’université de Rome adopte une approche multidisciplinaire afin d’étudier la perception du public.